80 millions d’amis ?
Lisbon, Portugal - November 2nd 2023: A person interacts with a dog on a leash on a sunny city square

Alors que le marché des animaux de compagnie ne cesse de croître en France, de plus en plus de voix s’élèvent pour en dénoncer l’empreinte environnementale. Mais impossible d’aborder ce sujet du seul point de vue des besoins et nuisances, sans le mettre en balance avec les bénéfices sociaux et affectifs de la présence des animaux auprès des humains.

 

Quatre-vingts mil­lions d’animaux de com­pa­gnie pour plus de 68millions d’habitants. La France est un pays où l’animal est présent dans les foyers de manière généralisée (près d’un sur deux en possède au moins un), sans dis­tinc­tion de ter­ri­toire ni de classe sociale. En détail, ce chiffre com­prend notam­ment 7,6 mil­lions de chiens, 15 mil­lions de chats, et 33 mil­lions de pois­sons d’aquarium.

L’Hexagone occupe ain­si la première marche du podium européen en nombre de félins et de canidés – sachant que les chiffres conti­nuent de croître, tout comme le nombre d’espèces, qui conti­nuent à se diver­si­fier, car, en effet, aux yeux de la loi, toute espèce peut deve­nir un jour ani­mal de com­pa­gnie ; il s’agit sim­ple­ment d’« un ani­mal détenu ou des­tiné à être détenu par l’homme pour son agrément. Ce n’est pas nécessairement un ani­mal domes­tique, ni même nécessairement un ani­mal appri­voisé ». Ces chiffres impres­sion­nants, et ce rap­port d’échelle édifiant, sont pour­tant sous‑évalués dans les consciences; peu de nos conci­toyens semblent prendre la mesure du poids de ces popu­la­tions ani­males, tant le rap­port à l’animal est avant tout une affaire indi­vi­duelle, privée, intime.

Les indus­triels, eux, ont par­fai­te­ment les chiffres en tête ; ils font état d’un busi­ness flo­ris­sant autour de ces ani­maux et de leurs propriétaires. Dans les supermarchés, les rayons qui leur sont dédiés riva­lisent en termes de taille et de variété avec les autres biens de consom­ma­tion. Ce marché, qui pèse 3,5 mil­liards d’euros et connaît une crois­sance à deux chiffres (+ 18,8 % en 2023, selon Niel­senlQ), se calque sur ceux à des­ti­na­tion des humains autour de la sphère numérique, l’image de marque, l’innovation, l’économie ser­vi­cielle et évènementielle…

Cer­tains ani­maux de fic­tion font par­tie intégrante de la culture popu­laire (Snoo­py, Plu­to, Gar­field) jusqu’à deve­nir des objets de mer­chan­di­sing mon­dia­lisé, et nombre de marques en inventent même pour leur iden­tité visuelle et leurs spots de publi­cité (Ramsès, le chat de Feu Vert ; le bas­set de Télé Z). À tra­vers eux, les marques per­son­ni­fient un membre à part entière du foyer, avec qui l’on entre­tient un rap­port de proxi­mité et de confiance.

Posséder un ani­mal de com­pa­gnie n’est pas neutre, les bénéfices psy­cho­so­ciaux (bien‑être, apai­se­ment, présence) qu’ils pro­curent à leurs propriétaires sont avérés, et les marques l’ont bien com­pris. Cepen­dant, aucun schéma unique ne transparaît : il y a autant de rap­port à l’animal que d’individus. Jean-Charles Duquesne, vétérinaire et indus­triel (lire inter­view p. 33), dresse cepen­dant quelques constats généraux : « Un chien est un ani­mal social, qui fait par­tie de la famille, qui vous considère comme sa meute. C’est un com­pa­gnon qui va être à côté de vous, qui va s’étonner des mêmes choses et être d’une écoute atten­tive : une vraie éponge émotionnelle. De plus, aujourd’hui, avec les caractères attribués aux races, vous savez exac­te­ment si vous aurez un chien clown, joyeux, spor­tif, plutôt plan-plan… Les chats sont un peu différents, plus soli­taires. Leur présence est peut‑être grossière, mais elle est sub­tile et cha­leu­reuse. »

L’apaisement face au rythme urbain

Tous nos inter­lo­cu­teurs sont una­nimes : être en inter­ac­tion avec son ani­mal de com­pa­gnie pro­cure une forme de bien‑être et le sen­ti­ment que « tout le monde peut aimer quelqu’un et par­ta­ger quelque chose avec lui ». Il répond à un besoin spécifique à chaque étape de la vie, avec un accent fort donné au sens des responsabilités et du par­tage. Notam­ment chez l’enfant, à qui l’on peut attri­buer des tâches et des responsabilités au quo­ti­dien – appor­ter le foin, rem­plir le bibe­ron du lapin, nour­rir les pois­sons… C’est aus­si une solu­tion d’apaisement face à des rythmes urbains vécus comme tou­jours plus sollicitants.

Elias Sou­gra­ti

©Imren Tutun­cu /Shutterstock

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