Il y a vingt-cinq ans émergeait une nouvelle approche de la santé, englobant celle des hommes, des animaux et de l’environnement, appelée One Health. Mais permettre à la nature et à la faune de se développer jusqu’en ville apporte aussi son lot de risques sanitaires.
Les masques de protection contre le Covid-19 ont déserté les poches des habitants du globe. Toutefois, la possibilité d’une nouvelle pandémie est bien identifiée par le milieu scientifique et les instances de santé mondiales, qui essaient de l’éviter à travers One Health. Cette démarche, née au début des années 2000, a repris des couleurs avec l’irruption du coronavirus.
Le concept peut se traduire en français par « Une seule santé », à l’interface entre celles des animaux, des humains et de l’environnement, à des échelles aussi bien locales, nationales que planétaire. La démarche part du principe que la présence de huit milliards d’humains sur Terre exerce une intense pression sur les écosystèmes et la faune sauvage. Il convient donc d’agir pour préserver les ressources en eau ou pour assurer une transition agroécologique et diminuer les atteintes à la biodiversité liées à l’activité humaine. Il s’agit aussi d’identifier et de traiter les risques liés aux interactions entre les milieux.
« Ce concept a émergé quand on s’est rendu compte que des maladies émergentes n’étaient pas forcément bien connues ou identifiées, comme la grippe aviaire, la maladie de Lyme ou Ebola, explique Benjamin Roche, directeur de recherche et conseiller scientifique One Health pour l’Institut de recherche pour le développement (IRD), et que [ces trente dernières années] plus de 75 % d’entre elles étaient des zoonoses. » C’est‑à-dire qu’elles sont passées de l’animal à l’homme. « Les estimations font état de 300 000 à 600 000 virus qui pourraient affecter l’homme, et qui circulent entre animaux. L’idée est de comprendre l’écosystème du virus dans son ensemble pour empêcher ses sauts à l’homme. » Et donc de plonger dans l’univers des agents pathogènes (virus, bactéries), des espèces-réservoirs (pouvant en contaminer d’autres) et des maladies vectorielles, transmises par le biais de rongeurs, de chauves-souris ou d’arthropodes (insectes ou tiques).
Les virus circulant très vite à l’échelle planétaire, parfois en avion, l’objectif est, selon Benjamin Roche, de développer « des stratégies de prévention locales mais interconnectées, pour qu’il y ait un impact global ». One Health s’incarne au niveau planétaire à travers une alliance quadripartite formée de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), de l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA) et du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). Un groupe d’experts de haut niveau fournit aussi des conseils scientifiques aux partenaires de l’alliance. L’intérêt de telles instances internationales est surtout de permettre de financer des recherches sur ce sujet qui ne manque pas de pistes à explorer.
Jusqu’où favoriser la biodiversité en ville ?
L’une d’entre elles porte sur la manière dont les humains peuvent se prémunir des virus transmis par les animaux, sans pour autant renoncer à la reconquête de la biodiversité en ville et à la végétalisation des centres urbains. Car leur intérêt pour la conservation des espèces et pour la santé des habitants n’est plus à prouver. Mais les trames vertes et bleues et autres actions de bon sens, désormais déployées en France et ailleurs, peuvent aussi avoir un impact sur le plan sanitaire, encore souvent négligé. En créant, par exemple, un continuum entre le milieu rural et le milieu urbain, elles favorisent la pénétration des sangliers comme des tiques dans les villes.
Lucie Romano
Originaire d’Asie, le moustique tigre (Aedes albopictus) est le vecteur de maladies telle que la dengue. En 2022, 66 cas ont été rapportés en France.
© James Gathany/Centers for Disease Control and Prevention (CDC)