Quel bilan pour le permis de végétaliser ?

Au départ, l’idée était simple : permettre à des citoyens d’investir l’espace public en mettant à leur disposition des micro-espaces à végétaliser. Vingt ans après et de nombreuses péripéties passées, le permis de végétaliser pourrait avoir enfin trouvé sa juste formule.

 

À Rennes, l’initiative s’appelle « Jar­di­ner ma rue », tan­dis qu’à Nantes elle se bap­tise poétiquement « Ma rue est un jar­din ». À Paris, Lille ou Dijon, on parle plus prosaïquement de « per­mis de végétaliser ». L’idée : affec­ter à la culture potagère ou flo­rale des par­celles, afin de per­mettre à des citoyens de jar­di­ner en ville. Le prin­cipe est un peu le même que pour les jar­dins ouvriers, en ver­sion plus contem­po­raine. Avec ces per­mis, des indi­vi­dus ou des col­lec­tifs peuvent direc­te­ment jar­di­ner dans la rue, le long des façades, au pied des arbres, voire dans les plates-bandes muni­ci­pales. Les pre­miers per­mis ont vu le jour dans les années 2000, mais il a fal­lu du temps pour que le dis­po­si­tif se déploie dans les com­munes françaises à par­tir des années 2010. Ce dis­po­si­tif offre des libertés inédites au sein de l’espace public : il per­met d’investir les façades ou encore de creu­ser dans les trot­toirs pour y mettre du terreau.

« Dans nos sociétés occi­den­tales, l’espace public est perçu comme un espace de démonstration au sein duquel l’usager ne fait que cir­cu­ler et n’y touche en aucun cas, ana­lyse Aurélien Ramos, ensei­gnant cher­cheur en urba­nisme à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Cette limite a été fran­chie par les per­mis de végétaliser ces dernières décennies, même si, pro­gres­si­ve­ment, les collectivités sont reve­nues sur ces prin­cipes et ont ins­tauré des limi­ta­tions. »

Ce sont d’abord les grandes villes qui ont eu recours au dis­po­si­tif, avant que les plus petites collectivités ne s’en sai­sissent : Rennes, en 2004 ; Lyon, en 2005 ; Paris, en 2015. La Métropole de Lille avait, quant à elle, auto­risé la végétalisation des façades dès 1995, avant d’opter pour un per­mis de végétaliser, sur le modèle pari­sien, en 2017. Ces dis­po­si­tifs ont ren­contré de vifs succès, par­fois même au-delà des espérances des por­teurs de pro­jets. En 2021, 1 000 per­mis de végétaliser avaient été octroyés à Lyon, 1 400 à Lille, près de 2 000 à Paris.

Ces dernières années, des tra­vaux comme ceux de Natha­lie Machon, pro­fes­seure d’écologie urbaine au Muséum natio­nal d’histoire natu­relle (lire notre entre­tien dans le numé­ro Par­tout, le vivant), ont contri­bué à don­ner de l’intérêt à ces per­mis sur le plan écologique. La cher­cheuse a, en effet, démontré que les pieds d’arbres végétalisés en ville pou­vaient abri­ter une très riche diver­sité d’espèces de plantes, jusqu’à une dizaine sur quelques centimètres carrés. En milieu urbain, la ger­mi­na­tion des pieds d’arbres serait d’autant plus facilitée qu’ils abritent une terre non tassée et non piétinée.

Des études scien­ti­fiques sont également venues, depuis, démontrer l’intérêt de l’introduction de la nature en ville sur la santé men­tale des indi­vi­dus. En 2023, une étude aus­tra­lienne, qui fai­sait la synthèse de 92 études scien­ti­fiques mon­diales, a confirmé que les espaces verts avaient un impact sur des symptômes comme l’anxiété et le stress, ou sur la dépression. Si les apports envi­ron­ne­men­taux de ces pra­tiques de micro-végétalisation ont été démontrés, il ne faut tou­te­fois pas sur­es­ti­mer leur impor­tance, comme le nuance Aurélien Ramos : « L’impact de ces per­mis reste limité et à une échelle locale. Ils par­ti­cipent néanmoins à notre conscien­ti­sa­tion des enjeux envi­ron­ne­men­taux, c’est une forme d’écologie de l’ordinaire. »

Emma­nuelle Picaud

Mini-jar­dins à Angers.

©Thier­ry Bonnet/Ville d’Angers

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